Récit de Paul Monfray
« L’avion était disloqué... »
Ses souvenirs sont précis... Pourtant, c’était il y a soixante-dix ans ! Paul Monfray a dix-huit ans lorsqu’il assiste à la chute d’un avion de chasse américain, le 8 juin 1944, au bord de la RN 28 à Saint-Martin-Osmonville.
L’ancien chef des pompiers de Saint-Saëns et Gournay-en-Bray, porte-drapeau des anciens combattants, habite alors la ferme familiale au hameau de Bréquigny : « Mon père et notre voisin avaient été réquisitionnés par les Allemands pour creuser deux tranchées à 600 m de la route, raconte-t-il. Deux jours après le Débarquement, nous avons vu arriver, vers 9 h 30, deux motocyclistes allemands et des camions. Le convoi a été attaqué par deux chasseurs américains, je me suis jeté à plat ventre sur le bas-côté, j’étais terrifié... »
Paul Monfray entend des cris, des ordres lancés en allemand, il se relève tout tremblant : « J’ai vu de la fumée plus loin, au niveau d’une hêtraie, j’ai couru dans cette direction, j’ai vu le pilote sur le dos, sans son harnais, au milieu de l’avion disloqué. Sa peau était toute jaunâtre... Je ne pouvais rien faire, les Allemands sont vite arrivés et ont fait évacuer les lieux... » Côté allemand, le bilan est de quatre morts, des blessés et un camion incendié : « J’ai vu les corps alignés sous une couverture, avec les bottes qui dépassaient... »
« J’irai me recueillir sur sa tombe... »
L’avion, un P 47 Thunderbolt, a percuté la ligne électrique qui longe la route nationale, ce qui a causé sa perte. Par l’intermédiaire de l’association normande du souvenir aérien, Paul Monfray a découvert l’année dernière l’identité du pilote, le flying officer Edmund L. Decker, du 356 th Fighter groupe, 361th Fighter squadron de la 8th Air force. Des rapports de gendarmerie, consultés par des membres de l’association, indiquent que le pilote a été, dans un premier temps, inhumé à Poix-de-Picardie, puis à Champigny-la-Futelaye dans l’Eure, avec la mention « inconnu ». Identifié le 28 juin 1946, le militaire américain rejoint alors le cimetière de Saint-Laurent-sur-Mer sur la côte normande, tombe D-16-40. Mardi, Paul Monfray ira se recueillir devant cette sépulture : « Soixante-dix ans se sont écoulés, c’est un anniversaire symbolique, ce sera ma façon de rendre hommage à ce pilote qui est mort loin de chez lui... »
Quelques semaines après la libération de la région par les troupes canadiennes, Paul Monfray signe son engagement à la caserne Richepanse à Rouen : « J’ai franchi la porte de cette caserne 30 ans après mon père qui a été mobilisé en 14-18 », souligne-t-il. Chevalier de la légion d’honneur depuis 1992, Paul Monfray est aussi officier de l’ordre national du Mérite depuis 2000. Il est membre du Souvenir français et continue d’assister aux cérémonies patriotiques : « Mais je vais ralentir un peu », concède l’ancien pompier qui sera, ce vendredi, devant sa télévision pour suivre les cérémonies du D-Day.