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            Toutes les unités de la 29th, y compris les services administratifs, sont sur le qui-vive. Au même moment, le V Corps avise la 29th qu’elle n’a pas l’autorisation de retirer ses éléments postés à l’ouest de la VIRE.

            À minuit, dans la nuit du 12 au 13, le colonel GOODE conduit la compagnie G et les survivants de la compagnie E sur la Vire.

            Les forces armées passent par le sud, à proximité de la rivière qui passe à Montmartin que le major MILLER défend.

            Au sud de la ville et à moins d’un mile au nord du pont canal sur la route de St Jean de Daye, les hommes du colonel GOODE trébuchent sur un bivouac allemand dans l’obscurité.

            Dans la confusion des échanges de tirs qui ont lieu, les compagnies G et E infligent de lourdes pertes à l’ennemi réveillé. Toutefois, la force armée du colonel GOODE reste dans la zone trop longtemps après ce premier engagement. Pendant ce temps, les Allemands reviennent et entourent la compagnie G en la frappant sans pitié.

            En infériorité numérique, les hommes se battent jusqu’à ce que le niveau des munitions soit faible.

            La compagnie G est séparée en petits groupes incapables de davantage de résistance et plutôt que de voir ses hommes capturés ou morts, le colonel GOODE leur dit de battre en retraite. Ils se dispersent et se dirigent vers la rivière, poursuivis par des tirs.

            Seuls trente hommes de la compagnie G reviennent. Tous les autres membres de la compagnie qui ont attaqué ce matin-là, ont été tués ou capturés.

            Le colonel GOODE est parmi ceux qui ont été faits prisonniers.

            En attendant, les événements prennent une tournure étrange, presque providentielle, à la suite du message brouillé du général COTA. Ce message a exercé une influence décisive sur l’importante bataille de Carentan. En effet, la réaction de la première armée par rapport à ce message est rapide et vigoureuse, comme en témoignent les faits suivants.

            Peu après les premières lueurs du jour, le 13 juin, un major fait son apparition au poste de commandement du 327th Glider Infantry, affirmant qu’il est de l’état major de la première armée et qu’il est chargé de remettre au régiment une compagnie de chars moyens, une compagnie de chars légers et un bataillon d’infanterie blindée.

            Cette force de blindés est mise à la disposition du colonel Joseph HARPER, commandant du régiment de planeurs, qui est perplexe.

            Il sent que c’est une erreur et appelle le major général MaxwellL D. TAYLOR, commandant sa division.

            Le major général Maxwell D. TAYLOR, dont les régiments de parachutistes subissaient à ce moment précis une attaque lourde de chars allemands à la périphérie de la ville de CARENTAN, contacte immédiatement le V Corps et reçoit la permission d’utiliser les forces blindées.

            Celles-ci sont envoyées sur la ville assiégée et se mettent en position pour faire face à l’attaque allemande.

            Plus tard, en recevant les mots « 150 tanks » à Montmartin, le colonel HARPER demande un appui de l’artillerie navale.

            Le major MILLER bénéficie de ce bombardement, mais son corps expéditionnaire est encore isolé et ses capacités de combat sont faibles.

            Par radio, le général COTA demande un ravitaillement en nourriture, eau et munitions mais tous les efforts pour les aider échouent.

            Des patrouilles avec ces fournitures sont envoyées par le 175th mais ne parviennent pas à passer Montmartin. Un Cub Plane survole la zone avec une cargaison de fournitures mais celle-ci est larguée dans les lignes ennemies.

            À 15h00 le V Corps, soucieux d’éclaircir la situation à l’ouest de la Vire afin d’avoir une zone libre pour les opérations à venir, demande à la division d’ordonner le retrait immédiat du général COTA et toutes ses troupes, y compris celles de la 101st Airborne Division qui étaient avec lui.

            Au cours de la transmission du présent message par le 175th  section S-3, le général COTA demande avec sa radio SCR-300 que le message soit authentifié. Tout de suite après, la communication est rompue.

            Deux patrouilles sont expédiées par l’état major du 175th, ainsi que deux officiers de l’état major de la division. Toutes ont la mission de retrouver le major MILLER et le colonel GOODE.

            Le major Glover S. JOHNS Jr., Division Liaison Control Officer, est envoyé en direction de Carentan pour s’en approcher par l’intermédiaire de la zone du 101st Airborne Division, tandis que le major Thomas DUKEHART, Liaison Officer, est envoyé directement de l’autre côté de la rivière.

            Mais les recherches de ces deux officiers n’ont pas abouti.

            Le Capitaine NEAL, autre officier de liaison, tombe accidentellement sur les troupes du major MILLER mais n’a aucune instruction pour le major.

            Un éclairage intéressant à propos de cette recherche est rapporté par le major JOHNS Jr :

            « Avant de me mettre en recherche du général COTA et du colonel GOODE, j’ai embarqué le corporal AL WHITE, membre du Public Relation Office, qui voulait ‘se balader’ et voir ce qu’il pourrait trouver à écrire sur le chemin.

            Lui, le conducteur de la jeep et moi, nous sommes partis avant la nuit pour Carentan.

            Nous avons dû attendre que les ingénieurs terminent la réparation du pont sur la rive. En attendant, j’ai rencontré le lieutenant FERNLEY, du 29th Reconnaissance Squadron, je l’ai réquisitionné lui, et son M-8.

            Nous nous sommes déplacés dans un petit village à environ un mile au nord de la zone où des groupes de soldats déclarés manquants ont enfin pris contact avec la 101st Airborne Division.

            On était alors au milieu de la nuit, mais nous avons trouvé un groupe important de la 101st Airborne et j’ai appris que ces hommes s’étaient retirés de la colline au cours de l’après midi et devaient y retourner au matin.

            Ils nous ont parlé de faire mouvement ensemble vers le haut de la route principale avec le M-8.

            J’ai dit au corporal WHITE de ne pas venir, car il pourrait y avoir quelques tirs et qu’il était inutile qu’il vienne car il n’y avait pas de place pour lui dans le M-8.

            Puis nous avons commencé à avancer aux premières lueurs d’une aube froide, l’automitrailleuse M-8 conduisait la colonne.

            Quand nous avons monté lentement la hauteur, j’ai vu un canon antichar de 57mm, utilisé par les hommes de la 101st, dans le fossé.

            À l’instant même, j’ai vu un bouquet de buissons qui se déplaçait et se précipitait vers le haut de la colline.

            Comme j’étais compressé dans le M-8, j’ai à peine pu voir que le pilote portait un casque allemand. C’était le véhicule Wolkswagen le plus camouflé que je n’aie jamais vu !

            Après avoir crié au conducteur d’arrêter, j’ai poussé jusqu’à la trappe et j’ai sauté du véhicule.

            La voiture allemande s’était arrêtée à l’arrière de notre M-8. Le pilote avait les mains en l’air, levant les yeux vers le museau d’une carabine qui le mettait en joue. À l’autre bout de la carabine, notre caporal WHITE !

            WHITE était monté à l’arrière du M-8 dès que j’étais hors de vue.

            Où avait-il obtenu une carabine, je ne sais pas, mais il était le seul parmi les cent et quelques yankees présents à pointer une arme sur ce soldat solitaire. Il a fait sa propre histoire ce jour-là, mais il était trop modeste pour le raconter. »

            Le sort du major MILLER et de son corps expéditionnaire a été une grande source d’inquiétude à ce moment-là, et le journal téléphonique de la division regorge de messages de demandes et de rapports d’action à l’ouest de la VIRE.

À 23h35 le lieutenant colonel Alex GEORGE, Executive Officer du 175th, appelle le quartier général de la division pour en apprendre le plus possible sur le corps expéditionnaire.

            On peut lire dans le rapport de ce message téléphonique :

            Du colonel GEORGE au colonel WITTE : « Avez vous des nouvelles du général COTA ?»

            Col. W. : « Attendez une minute. Il vient »

            Gén. COTA : « Je viens de rentrer. »

            Col. G. : « Monsieur, combien d’hommes avez-vous ramené ? »

            Gén. COTA : « 106 hommes et 4 officiers. »

            Col G. : « Bonne chance à vous, vous avez plein de courage. »

            Le général de brigade Norman « DUTCH » COTA était un soldat rare. Il semblait être toujours à l’avant, près des combats.

            L’histoire du général COTA au jour J est devenue presque légendaire dans la division.

            Tout au long des combats dans les haies à St Lô, il a été continuellement présent le long de la ligne de front. Il est entré dans SAINT LÔ avec son corps expéditionnaire CHARLIE et il a marché dans les rues de la ville alors que l’infanterie était encore en train d’éliminer la résistance.

     Les fantassins des compagnies pouvaient voir sa haute silhouette maigre qui évoluait dans les haies, défiant le danger.

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Louis AZRAEL, correspondant de guerre du Baltimore News-Post écrit à son sujet :

            « Il remplit sa gourde d’eau et sa poche de cigares puis il s’installe dans une jeep pour se rendre sur le front le plus critique.

Après une pause au poste de commandement de l’unité pour discuter de la situation et proposer des tactiques aux officiers d’état major, il expose ses projets pour les endroits où les difficultés sont les plus grandes. »

            Sa canne et son cigare faisaient partie de son équipement de combat, tout autant que son casque M-1, il ne s’en séparait jamais.

            Il chantait toujours des airs… que sa voix déformait, et pour lesquels il composait ses propres paroles. La plupart d’entre elles étaient vides de sens mais elles devaient sans doute l’aider à réfléchir lorsqu’il les marmonnait ou les chantait.

            On ne pouvait pas toujours en distinguer les mots, mais parfois ils étaient intelligibles. Une fois, alors qu’il se promenait sous des tirs d’artillerie, les paroles de l’une de ses « chansons » sont devenues très claires.

            Il chantait : « Si j’avais connu la réponse à cela, merde alors, quel gars intelligent, je serais ! » 

            Le général COTA avait une attitude imperturbable face aux obus ennemis. Il les mettait presque au défi de le frapper.

            Il méprisait souvent la protection d’un abri enterré ou celle des tranchées. Une fois, des d’obus de 88mm sont tombés en rafale près de lui. Tous les hommes se sont précipités autour de lui. Un homme l’appelle et lui suggère qu’il serait plus sûr pour lui d’entrer dans un trou. DUTCH COTA lui répond :

« — Pourquoi faire ? Ils sont déjà tombés, non ? »

            Ces deux jours de combats autour de Montmartin ont été particulièrement coûteux pour le 175th : trois compagnies ont été sévèrement affaiblies et le colonel GOODE est porté disparu.

            Les troupes qui avaient pu traverser le fleuve rapportent avec elles le casque du colonel GOODE, percé du trou d’une balle. Ce casque a été trouvé dans un fossé.

            Suite à cette information, la division tient le colonel GOODE pour mort durant deux mois, jusqu’à ce qu’on retrouve sa trace, vivant et prisonnier des Allemands.

            Le capitaine John K. SLINGLUFF, commandant de la compagnie G a également été capturé. Dans les dossiers du 175th pour le 12 et le 13 juin, on décompte 53 tués, 57 blessés, 89 prisonniers des Allemands et 22 disparus au combat.

            Bien que les combats à l’ouest de la Vire n’aient apporté aucun résultat décisif, les ponts enjambant le canal étant toujours aux mains des Allemands, la capture et la défense réussie de Carentan a néanmoins renforcé l’étroit corridor entre les têtes de pont. Celui-ci allait bientôt s’étendre.

            Le 29th passe du V au XIX Corps le 14 juin, et reste sur la défensive. Toujours dans l’attente d’une contre-attaque majeure, on multiplie les patrouilles.

            L’ordre de bataille N°6 de la 29th Division, en date du 13 juin, demande à chaque compagnie de première ligne d’envoyer une patrouille à deux miles vers l’avant toutes les 24 heures, et dans la même période, chaque bataillon doit capturer un prisonnier.

            La situation du corridor reliant les têtes de pont est considérablement améliorée le 15 juin, quand la 30th Division avance sur le côté ouest de la Vire et se place sur le flanc droit de la 29th Division.

            La nuit précédente, le 175th, dans un ajustement de la ligne, a envoyé ses premier et deuxième bataillons traverser l’Elle pour occuper les hauteurs près d'Aire, à l’ouest de Moon sur Elle, mais avec l’arrivée de la 30th Division le premier bataillon est immédiatement relevé par le 119th Infantry de la 30th Division.

PROBLÈMES DE HAIES

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            Les haies du bocage ont peut-être posé le problème le plus difficile, et cependant le plus pressant : comment utiliser les tanks ?

            À l’avant ils ne pouvaient pas se déplacer sur les routes où l’ennemi était facilement à couvert.

            Presque toutes les routes étaient flanquées de remblais de haies, qui masquaient la visibilité et les tirs.

            Hors de la route, la liberté de mouvement des chars était restreinte. Les tankistes trouvaient les haies trop élevées pour que les chars y montent. Il était devenu nécessaire qu’une ouverture puisse être pratiquée à travers les murs de terre.

            La méthode suivante a été employée tout d’abord : un tank avec des broches lourdes soudées à l’avant, était dirigé contre la haie et perçait des trous profonds dans le mur. Puis les ingénieurs suivaient avec des jeeps, plaçaient des charges de démolition dans les trous. Le souffle créait une ouverture dans le mur de haies.

            Cette méthode n’a été satisfaisante que jusqu’à un certain point, car la fumée et la poussière soulevée par les explosions alertaient souvent les Allemands, qui ouvraient ensuite le feu sur ces nouvelles ouvertures dans les haies.

            Plus tard, par chance, on s’est rendu compte que les charges de démolition n’étaient pas nécessaires. En frappant, à l’aide des broches du tank, le mur de haies en son centre et non à sa base, le tank pouvait soulever la haie, y compris les grands arbres, abaissant ainsi suffisamment le mur pour laisser le tank l’enjamber.

            Le processus de coupe est par la suite facilité en apposant une traverse affutée à l’avant du tank.

            Les tanks transportant ces lames sont tout d’abord apparus au sein du 747th Tank Battalion affecté à la division. Ils ont été plus tard employés couramment dans tout le bocage.

La formule de la division pour l’utilisation tactique des chars était : « une équipe, un tank, un champs ».

            Le char restait souvent derrière la haie pour couvrir l’avance de l’infanterie avec sa puissance de feu.

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            Quand les tirailleurs atteignaient la haie suivante, le tank se déplaçait vers l’avant, emmenant sur lui une partie de la paroi, puis il escaladait et avançait jusqu’à la ligne des fusiliers.

            L’observation était limitée par la forte croissance des haies, compliquant le réglage de l’artillerie par les observateurs avancés. Cependant les Cub Planes de l’artillerie pouvaient diriger le feu avec précision, et ils se maintenaient en l’air continuellement au dessus des haies durant toute la journée.

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            Le 16 juin, l’attaque vers St Lô est relancée. Dans le plan d’attaque, les efforts de la 29th sont consacrés au soutien de la 2nd Division sur le flanc gauche, pour la prise de la cote 192 qui domine toute la région de St Lô, à l’est de la Vire.

            Le 116th a pour objectif les hauteurs près de St André de l’Épine, et la Luzerne. Le 175th a l’ordre de venir dans les environs de Le Mesnil Rouxelin.

            Ces objectifs sont beaucoup plus difficiles à prendre que prévu. Et ils ne sont pas atteints avant quatre semaines.

            Néanmoins, les progrès réalisés au cours de la journée sont appréciables.

            Le premier bataillon du 116th, frappant le quartier sud de Couvains, avance à mille yards de St André de l'Epine avant d’être interrompu.

            Le troisième bataillon, sur la droite du front régimentaire, pousse jusqu’au Bois de Bretel.

            Sur le flanc droit de la division, le 175th occupe le village d’AMY avec son troisième bataillon, tandis que le premier bataillon avance sur la route de Saint Clair vers La  Meauffe, à l’est de la Meauffe.

            Une résistance ennemie due à des renforts est notée le lendemain, 17 juin, lors de la reprise de l’attaque, et peu de progrès sont réalisés.

            Au cours de cette journée de combat le 175th perd le colonel GEORGE, qui a pris le commandement du régiment lorsque le colonel GOODE n’est pas rentré de la bataille à l’ouest de la Vire.

            Le colonel GEORGE est blessé lorsqu’il participe à une escarmouche sur la ligne de front. Dans le rôle d’un chef d’escouade, il dirige une patrouille contre une position ennemie dans les haies. Les Allemands découvrent cette patrouille et lancent des grenades à main.

            Une grenade presse-purée saute au visage du colonel GEORGE, le blessant sérieusement et le met hors de combat pour presque un an. Il est reçu triomphalement lors de son retour au sein de la division à la fin de la guerre.

            Dans le régiment, le colonel GEORGE était l’alter ego du général COTA. Il était doué d’une agressivité qui l’a souvent amené à oublier son grade et son emploi pour de se battre sur la ligne de front.

            La veille du jour où il fut blessé, il avait mené une autre patrouille du premier bataillon qui a détruit l’équipage d’un canon de 88mm qui retardait l’avance sur la Meauffe.

            Le colonel GEORGE était une figure familière du 175th.

            Partout où il allait, il portait un long bâton, et pendant un certain temps, il a chevauché une bicyclette qui lui permettait de couvrir plus de terrain et de voir plus en avant.

            Le lieutenant colonel WILLIAM C. PURNELL, Executive Officer du 175th prend le commandement temporaire du régiment lorsque le colonel GEORGE est évacué.

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PURPLE HEART HILL 

            Dans la soirée du 17 juin, malgré l’arrêt temporaire de l’attaque dans la zone du 175th, le colonel PURNELL ordonne au premier bataillon d’effectuer des patrouilles vers l’avant, afin de localiser les positions ennemies.

            Peu de temps après être parties, les patrouilles reviennent avec des renseignements : les Allemands creusent derrière les haies, à environ deux cents yards à l’avant de la position du régiment.

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            Le colonel PURNELL, qui est alors en reconnaissance sur la ligne de front avec le lieutenant colonel Roger WHITEFORD, commandant du premier bataillon, décide que le moment est venu de renouveler l’attaque.

            Le premier bataillon est rapidement mis en marche après une courte préparation par le 224th Field Artillery Battalion, avec les compagnies B et C en tête, la compagnie A étant à l’arrière gauche. Les mortiers lourds de la compagnie D fournissent un excellent appui.

            L’avance sur les positions allemandes se fait dans une semi obscurité et prend l’ennemi par surprise.

            Après un combat avec des tirs nourris, la ligne ennemie est cassée, et la compagnie B poursuit l’ennemi en retraite en direction de Saint Lô jusqu à ce qu’elle soit arrêtée par l’obscurité et la crainte d’outrepasser la ligne.

            La compagnie B creuse sur place des abris pour la nuit et signale que l’objectif est sécurisé vers 23 heures.

    Le lendemain matin, le reste du bataillon déménage sur la position nouvellement acquise et commence à s’organiser.

            Le  bataillon est à présent sur les hauteurs, juste au-dessus de son objectif, le village de LE Mesnil Rouxelin, à environ un mille au nord-ouest de VILLIERS-FOSSARD.

            Sur la carte, cet objectif est désigné comme la colline 108, même si c’est en fait une crête qui semble pointer son doigt vers SAINT LÔ, à trois miles au sud. À ce moment-là, il marque la pointe la plus avancée vers SAINT LÔ de toutes les unités — un coin émoussé à l’intérieur des lignes allemandes — et par conséquent, il est vulnérable aux attaques ennemies sur trois cotés.

            La réaction allemande n’est pas longue à venir.

            Vers 08h30 ce matin là, alors que le bataillon organise sa position, l’ennemi commence à pilonner avec ses 75 mm, ses 88 mm, ses mortiers. Tout cela est suivi d’une forte contre-attaque de l’infanterie.

            La compagnie B tient la position la plus avancée sur la colline. Face aux avancées des Allemands, elle doit reculer jusqu’à la ligne tenue par le bataillon. C’est là que l’attaque est finalement repoussée.

            Au cours de cette contre-attaque, le PVT Russell H. WOODWARD, mitrailleur de la compagnie D reste volontairement pour couvrir la retraite de la compagnie B.

            Les Allemands envoient un feu nourri autour de la position de la mitrailleuse, qui est la seule arme active dans le secteur de la compagnie, mais WOODWARD continue à couvrir les fantassins qui se retirent, jusqu’à ce qu’il soit mortellement blessé.

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            La DSC lui a été décernée plus tard à titre posthume pour son acte de courage.

            Des tirs de mortier extrêmement lourds ont, pendant ce temps-là, rompu les fils de téléphone des postes de commandement du régiment. Ces tirs sont d’une telle intensité qu’ils empêchent tout mouvement, même vers l’arrière.

            Ainsi, le bataillon est laissé sans aucune communication avec l’arrière, jusqu’à ce que la radio de l’officier de liaison de l’artillerie puisse être mise en œuvre.

            Alors que le bataillon répond à l’attaque allemande, deux de ses hommes vont réparer un émetteur mort. C’est en effet le seul moyen de communication potentiel avec le régiment et l’artillerie.

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            Plus tard dans la journée, les fantassins allemands s’approchent davantage du périmètre du bataillon, avec des attaques locales répétées, et déversent un feu nourri sur cette colline, feu provenant de tous côtés.

            Dans l’après midi, plus de la moitié du bataillon est tué ou blessé, et ceux qui ne sont pas victimes, après huit heures de pression ennemie régulière, perdent leur efficacité au combat.

            Peu avant 17h00 cet après midi-là, une contre-attaque avec des blindés semble se former. Deux half-tracks et un tank allemands sont en train de manœuvrer sur les pentes de la colline.

            Il est impossible pour le bataillon d’appeler l’artillerie et la somme totale des armes antichars sur la colline consiste en un bazooka et deux cartouches de bazooka.

            Alors que le bataillon se trouve dans cette grave situation, les hommes qui réparaient la radio de l’artillerie annoncent soudain qu'elle est en état de fonctionnement.

Trois missions de tir défensif sont immédiatement demandées. En quelques minutes, les canons du 224th Field Artillery Battalion lancent leurs obus de 105mm autour de la colline, avec de telles concentrations de tirs que la contre-attaque est brisée.

            L'ennemi est chassé de l'arrière de la colline, et à 22h, les fils téléphoniques de communication avec le régiment sont également restaurés.

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            Tôt le lendemain matin — 19 juin —, le troisième bataillon, après une marche de nuit au cours de laquelle il a lourdement souffert du feu des mortiers allemands, arrive à la colline 108 et se glisse dans la ligne de front pour soulager les compagnies A et B.

            Le reste du premier bataillon est placé sur la droite et sur la gauche pour effectuer un périmètre de défense.

            Après l’aube, l’ennemi tente une autre contre-attaque, qui n’est cependant pas aussi bien organisée que celle de la veille. Aussi est-elle repoussée.

            Par la suite, le deuxième bataillon est contraint de revivre ce qu’a vécu le premier bataillon sur la colline 108. Le premier bataillon est reversé en réserve régimentaire.

            Un total de 334 morts a été infligé au régiment ce 18 juin, le jour de l’engagement défensif sur la colline 108. Par la suite, ce lieu a été nommé PURPLE HEART HILL.

            Pour sa défense courageuse de cet important saillant, le premier bataillon a reçu plus tard la Distinguished Unit Citation.

            Au cours de la bataille de PURPLE HEART HILL, le colonel WHITEFORD a été blessé, et le commandement du premier bataillon est transmis au major Miles C. SHOREY qui occupe ce poste jusqu’au 26 juin, lorsque le lieutenant colonel William T. TERRY prend le commandement.

LE SAILLANT DE VILLIERS FOSSARD

            La situation sur le flanc droit de la division a été amélioré par l’action de la 30th Infantry Division à l’ouest de la Vire, qui, le 17 juin, a soulagé un bataillon du 175th.

            Toutefois, l’ennemi a continué à détenir les environs de Villiers Fossard, et sur le plan de situation, c’était à présent les Allemands qui détenaient un saillant.

            La ligne de la division pliait brusquement face à la ville.

            Le major COLE, officier de liaison de l’état major de la division, vient vérifier les postions du 175th. Il est conduit le long de la route dans sa jeep quand il rencontre un groupe de l’infanterie ennemie, ainsi que des 88mm allemands. Il n’a jamais eu sa chance. Son chauffeur est tué et lui, est fait prisonnier.

            La présence de cette force ennemie est totalement inattendue.

            L’état major de la division qui a déménagé dans une nouvelle position ce matin-là, est à un peu plus d’un mile de là. Il n’y a aucune force américaine importante entre les Allemands et elle.

            Les Allemands emmènent le major COLE pour un interrogatoire. Son patch bleu et gris leur indique qu’il est de la 29th Infantry Division.

            Le major COLE leur dit qu’il est en réalité le Chemical Warface Officer et qu’il est utilisé temporairement comme officier de liaison.

            L’interrogateur allemand sort un livre imprimé et tourne les pages...

«  — Vous mentez, dit il. C’est le lieutenant colonel COBB qui est le Chemical Warface Officer de la 29th Division. »

            Ce qui était le cas, jusqu’à environ six semaines auparavant.

            Les Allemands continuent leur questionnement mais le major COLE reste silencieux. Puis les Allemands sortent une carte et lui disent :

« — Vous n’avez pas à nous parler. Nous n’avons pas besoin de vos informations. Regardez ça ! » 

            C’était une copie de notre opération G-3 avec une superposition énumérant les positions actuelles de chaque bataillon de la division.

            La seule chose incorrecte sur le plan est la position de l’état major de la division, qui est montré comme étant à cinq miles de là, dans la position qu’il occupait précédemment, avant son déplacement vers l’avant.

            Les Allemands considéraient que la carte était fiable, ils ne savaient pas que le PC de la division était si proche d’eux.

            S’ils avaient su qu’il était juste à un court mile de là, avec aussi peu de protection, il y a fort à parier que la « latitude avancée » aurait livré le combat de sa vie… (there seems little reason not to believe that " latitude forward " would have had the fight of its life....).

            L’attaque est ralentie tout le long de la ligne de front, et la bataille de SAINT LÔ entre à présent dans sa phase défensive, dans laquelle non seulement le 29th Infantry Division mais le XIX Corps tout entier allaient être impliqués.

            Le 17 juin, le 115th sort de son corps de réserve et s’installe à cheval sur la route Saint Lô --- Lison entre le 175th et le 116th.

            Pour tenter de réduire le saillant allemand de VILLIERS FOSSARD, le 115th reçoit l’ordre d’attaquer le 21 juin.

            Son troisième et son premier bataillons sont disposés respectivement sur les côtés ouest et est de la route.

            Le premier est à quelques deux cents yards en avant du troisième, dans les environs de la Fossardiere et le Bois de bretel. Il est en fait sur l’épaule du saillant.

            Le troisième bataillon, soutenu par sept chars, attaque à 05h00 sous une pluie refroidissante qui amollit les champs et entrave la circulation des blindés.

            Les compagnies K et L sont en avant avec la compagnie I en réserve.

            Deux chars sont touchés par le feu des canons de 88mm et des bazookas allemands, ce qui a pour conséquence que le mouvement des blindés ne peut jamais se développer vers l’avant.

            Les troupes à pied vont recevoir seules des tirs de mitrailleuses postées près du hameau de Segueville. Les mortiers allemands tirent sur les assaillants.

            À 16h30, le premier bataillon attaque contre une forte résistance, il comptabilise un gain mineur, repousse une contre-attaque au crépuscule et s’enterre pour la nuit.

            Le jour suivant, les premier et troisième bataillons reçoivent l’ordre de se retirer sur leurs positions d’origine. Le saillant reste à prendre.

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            Le Lieutenant John J. POLLARINE, observateur au 110th Field Artillery Battalion, s’attache à une patrouille du 115th qui va patrouiller sur la ligne de front.

            Il n’a pas l’obligation d’y aller, mais il veut voir ce qu’il y a là-bas. Il pourrait obtenir des coordonnées de tirs pour l’artillerie.

            Comme la patrouille avance, le lieutenant Pollarine est capable de donner des ordres de feu afin de neutraliser les positions ennemies le long de la ligne de front.

            Enfin il quitte la patrouille et continue seul, accroupi quand il traverse les haies ennemies à une centaine de yards de la position fortifiée qu’il cherche à détruire.

            Il n’a pas le temps de commander cette dernière concentration de tir…

Un allemand le voit et le tue avec son arme automatique.

            Les fantassins lui témoignent leur reconnaissance pour les vaillants efforts qu’il a fait pour les aider. Ils organisent peu après une patrouille dont la mission spécifique, qui est de récupérer son corps, est un succès.

PÉRIODE STATIQUE :

            À l’exception d’une importante action offensive contre le saillant par la troisième division blindée, l’ensemble de la division est en position défensive jusqu’au 11 juillet.

            Les tranchées sont creusées plus profondément, les champs de tirs sont dégagés, les fils barbelés sont renforcés.

            Les fantassins gagnent les haies afin, de mettre en place des postes avancés, et des postes d’écoute, dans tous les cas où il n’y a pas de ligne de poste.    

            Des patrouilles sondent les positions ennemies et des patrouilles de contact travaillent parallèlement au-delà du front, aidant à empêcher les infiltrations de l’ennemi.

            La nuit, les gardes des avant-postes scrutent l’extérieur, tapis dans l’ombre des haies, attendant que l’ennemi sorte de l’obscurité.

            Durant cette période défensive, il y a des affrontements avec des patrouilles allemandes sur toute la ligne de front.

             Le Capitaine William L. HEFFNER, Medical Officer du 175th, troisième bataillon, travaille avec une équipe de fantassins au ramassage des blessés.

            Soudain, ils se retrouvent face à face avec un groupe d’Allemands qui font la même chose. Les deux groupes ne sont pas armés et portent des insignes de la croix rouge. Chaque groupe hésite, puis ils avancent prudemment les uns vers les autres. La conversation se fait en français. Les Allemands veulent trouver l’un de leurs sous-officiers, qui a été blessé plus tôt dans la journée et a été ramassé par les Américains. Le Capitaine HEFFNER peut-il échanger ce sous officier contre un soldat américain blessé ? L’offre est acceptée.

            Le Capitaine HEFFNER connaît ce sous-officier Allemand et ordonne qu’on le fasse venir. Puis il accepte d’aller derrière les lignes allemandes en ayant les yeux bandés.

            Les Allemands font de même lorsqu’ils rendent à l’unité deux Américains blessés, et le corps d’un soldat américain mort.

            Se retrouver sans armes derrière les lignes ennemies est peu fréquent, même pour un médecin.

            Le Capitaine HEFFNER a admis qu’il s’était senti mal à l’aise lors des négociations et qu’il a offert aux infirmiers allemands un paquet de cigarettes afin de favoriser l’échange.

            Même si la 29th Division est en défense, et que l’ennemi ne tente que de petites contre-attaques, le danger reste sur le front, provenant des échanges d’artillerie lourde, des tirs de mortiers et de la proximité de l’infanterie ennemie.

            C’est un secteur inactif mais loin d’être un secteur calme. Bien que les hommes restent dans leurs trous, les pertes sont élevées à cause de l’artillerie ennemie ainsi que des tirs de mortiers. Tous les jours, les snipers allemands tirent à travers les haies sur de nombreuses cibles.

            L’inactivité et l’artillerie combinées usent certains des hommes, l’épuisement au combat commence à faire son apparition.

            En général, on signale son épuisement au combat, quel qu’en soit le degré, en « retournant à la cuisine ».

            Les hommes trouvent des excuses pour quitter la ligne, quelquefois avec une permission, mais aussi plusieurs fois sans. Et alors, ils n’ont pas d’endroit où aller, sauf à la cuisine de leur compagnie.

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            Comme un aimant, la cuisine a attiré à elle les combattants épuisés, qui cherchaient un refuge à la guerre.

            Dans la sécurité inhabituelle de l’arrière de la ligne de front, ils passent le temps, travaillent un peu, bien que sans entrain, réalisent un peu de service de garde, et mangent ou dorment.

            Les commandants des compagnies se sont aperçus que quelques jours à l’arrière étaient souvent suffisants pour remettre d’aplomb un homme mentalement épuisé.

            Néanmoins, un remède plus formel que ce cours de cuisine improvisé est jugé nécessaire ; aussi, un centre d’entraînement au sein de la division est ouvert à l’arrière de la ligne de front, dans le but spécifique de réhabiliter ces hommes.

            La suprématie aérienne américaine limitait les mouvements diurnes de l’ennemi. Il en résulta une augmentation des mouvements de nuit. Ils étaient accueillis avec de lourds tirs d’interdiction émis par l’artillerie de la division pendant les heures d’obscurité.

            Les avions allemands sont également limités dans leurs opérations par l’obscurité, cependant presque toutes les nuits, les bombes ennemies tombent dans la zone de la division.

            Tout au long de la longue campagne de Saint Lô, les bataillons d’artillerie sont hantés par le manque de munitions, conséquence de la destruction des ports artificiels sur la plage d’Omaha Beach lors des tempêtes violentes sur la Manche, à la fin juin.

            Cette pénurie de munitions, soit dit en passant, est une cause majeure de la période statique qui précède l’assaut final sur Saint Lô.

            L’inactivité de la division a permis à la première ligne des bataillons de faire une rotation de quelques jours à l’arrière, pour une remise en état, dans une aire de repos.

            La liberté et la détente auxquelles les hommes s’attendaient, étaient tempérées par l’entrainement et par la pensée maussade que ce n’était là qu’un soulagement bref, une mise à l’écart temporaire de la ligne de front.

            C’est un temps pour écrire des lettres, pour des PX rations, des services religieux, des films ou le nettoyage du matériel.

            C’est le temps où les commis au courrier de chaque compagnie viennent avec leurs camions de bouffe, remplis d’énormes tas de paquets accumulés venant du pays, dont la distribution ne peut se faire que dans des occasions comme celle-ci.

            La section des services spéciaux, sous les ordres du major Thomas VAN A. DUKEHART, présente des projections de films dans cette zone arrière, mais elles ont lieu dans des conditions qui étaient loin d’être idéales, le plus souvent dans une étable ou une écurie. Cependant cela constitue de réels divertissements.

            Les hommes apprécient les films, quelque soit leur ancienneté ou le nombre de fois où la bande a cassé. Souvent c’est à pleine voix qu’ils expriment leur avis sur les films. Ils ne s’attendent jamais vraiment à voir « les films les plus récents qui vont tout droit aux forces armées étrangères»

            Seul l’opérateur machine saisit toute la force de l’enthousiasme du public.

« Jetez ce gars dehors ! », crient-ils si le film se rompt.

« Allez là-bas chercher un gars capable de faire fonctionner cette fichue chose !! »

Les hommes s’assoient sur le sol ou sur leur casque. Il n’y a pas de sièges, bien sûr.

            Howard W. BOCKMILLER, directeur de la Croix Rouge sur le terrain auprès du 175th, se remémore le temps : « où j’ai complètement adoré un film, tout en étant assis pendant une heure et demie sur une botte de fumier de cheval. »

            Ces jours sont chauds et poussiéreux, les nuits sont froides et lors des phases défensives de la bataille de Saint Lô, il y a partout l’odeur malsaine des hommes morts et des cadavres d’animaux.

            Bosselées, gonflées, les carcasses des bovins et des chevaux, figées par la mort, ont des postures ridiculement maladroites dans les champs, de même que les hommes des deux camps, morts le long des haies. Parfois ils sont là pendant des jours sans pouvoir être retirés. Aucun homme de la division qui a vécu ces jours n’oubliera jamais cette odeur.

            La bouffe a consisté la plupart du temps en rations K et C et parfois en rations légèrement plus appétissantes, les rations « 10 dans une » ; des sandwiches, et du café chaud ou tiède nous parvenaient parfois de la cuisine durant la nuit.

            Les hommes réchauffent leurs rations dans une boîte de conserve, ou la boite de ration K paraffinée, allumant et entretenant des feux dans leurs tranchées.

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            Les hommes à l’arrière de la ligne de front étoffent leur ration de bouffe en arrachant des carottes crues dans les jardins français et quelques pommes aigres dans les vergers.

            Parfois, quand ils ont repoussé l’ennemi de sa haie, ils tombent sur des rations allemandes, alors il y a davantage à manger.

            Derrière la ligne de front, les civils français sont à nouveau au travail dans les champs, ou à diriger des charrettes tirées par des bœufs se hissant le long des routes sinueuses et poussiéreuses.

            Dans les zones amies, les Français curieux fourmillent sous les tentes des cuisines et se déplacent entre les installations de l’arrière, souriant et espérant que quelqu’un leur donnera de la nourriture.

            Les soldats de la 29th Division apprennent rapidement que la chose à faire est de serrer les mains, tout le temps, avec presque tout le monde.

            Chocolat, cigarettes et chewing-gum sont une monnaie d’échange constante.

            Les cloches de l’église sonnent à travers la campagne, et le dimanche matin, les Français en vêtements sombres et les femmes endimanchées marchent vers l’église, le livre de prière à la main.

            Les quelques civils français qui demeuraient dans les premières villes libérées par la division n’étaient pas très démonstratifs, mais au fur et à mesure que la bataille progresse, les zones à l’arrière du front redeviennent peuplées et les véritables signes d’amitié deviennent la règle.

            Le cidre est facile à obtenir dans presque toutes les maisons françaises et le calvados est le bien d’échange le plus cher pour les soldats de la 29th Division.

            Les hommes sur la ligne de front, intimes avec le danger, sont connus pour envoyer des patrouilles non autorisées franchir les lignes ennemies ; les soldats reviennent avec leur casque rempli de calvados, chaud et brûlant.

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            Une deuxième attaque, plus vigoureuse, contre le saillant de Villiers Fossard est lancée le 29 juin.

            L’artillerie de dix sept bataillons jette des obus sur les positions allemandes. Une grande flotte de bombardiers et de chasseurs bombardiers survole la zone et largue son chargement.

            Sur la ligne de front de la 29th Division, chaque fusilier et mitrailleur ouvre le feu sans interruption pendant dix minutes, pour faire une démonstration de force.

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            Puis le Combat Command A de la troisième Armored Division traverse les positions du 115th, progressant vers le sud, et lance une attaque.

            En une journée de durs combats, il progresse de mille yards et la plupart des saillants sont réduits.

            Le 30 juin, l’attaque est stoppée sur l’ordre du XIX Corps. Ordre est donné au 115th de grimper à Villiers Fossard, La Fossardiere, et La Forge et d’occuper le secteur acquis.

            La réduction du saillant allemand a été la seule grande action offensive avant l’arrêt de trois semaines. L’ennemi ayant connaissance de cette accalmie, utilise ce temps pour renforcer ses défenses.

            Le fait que les Allemands sont préoccupés par leurs lourdes pertes est attesté par un compte-rendu pris au 8ème régiment de parachutiste allemand, dont l’une des unités avait combattu face à la 29th Division.

            Concluant une longue directive à propos de « ce qu’il faut » et « ne faut pas » faire  pour la sécurité de ses hommes au combat, Le commandant de régiment écrit :

            « Telle que la situation apparaît actuellement, on doit s'attendre à ce que la division continue de s'engager à la défense pour une période encore plus longue.

            On peut affirmer avec certitude que nous devrons supporter encore plus de batailles défensives très dures.

            Ces batailles peuvent être des succès pour nous, à la condition que nous utilisions toutes les heures, et chaque homme sans relâche, afin d'améliorer constamment nos positions...

            C'est la tâche de tous les commandants et des officiers subalternes de presser chaque homme jusqu’à la moelle.

            Tout homme qui reste disponible, y compris lorsqu’il est affecté au support logistique ou à la maintenance, doit être mis au travail.

            Chaque fois que cet objectif ne peut être atteint en faisant appel à la raison ou à la perspicacité, il doit être obtenu par la rudesse et la sévérité. »

            Toutefois, le taux élevé de victimes chez les Allemands n’est pas uniquement dû à la supériorité de feu américaine, observe ce commandant allemand.

            Le problème est clairement dû à la négligence ordinaire, souligne-t-il lorsqu’il répète les avertissements classiques, aussi familiers aux soldats américains qu’aux allemands.

            Les extraits suivants, tirés de ses instructions écrites, mettent l’accent sur la similitude des tactiques et des problèmes de commandement, qui varient peu selon les armées ou selon les époques…

            « Ne pas s’entasser sur le champ de bataille, mais toujours se placer dans un ordre étendu… Les hommes qui portent les vivres et les munitions ne suivront qu’avec un intervalle d’au moins 15 à 20 mètres entre chaque homme.

            Les tranchées couvertes doivent être construites tout près derrière les haies et selon les plans établis.

            La couverture doit être au même niveau que le sol et doit avoir une épaisseur d’un mètre…

            Un grand nombre des installations construites jusqu’à présent ne sont conformes en aucune façon avec les principes enseignés dans les cours de construction de poste. »

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            « J’ai trouvé le canon de mitrailleuse lourde d’une escouade, sur une haie de la ligne principale, au milieu de la nuit… Sans aucune garde !!!!…

            Il s’agit d’un manquement au devoir inouï. À l’avenir une accusation sera présentée contre ces soldats. »

            « On m’a rapporté qu’à tel ou tel endroit, il est impossible de creuser parce que l’ennemi couvre immédiatement le secteur par ses tirs.

            Il n’est évidemment pas question de creuser debout. Nous devons apprendre à creuser sans bruit, tout d’abord à genoux, puis accroupis quand le trou est assez profond, même si c’est inconfortable. »

«

            « Les Américains effectuent leurs reconnaissances en force, aussi bien avec que sans feu préalable.

            Dans ses dernières reconnaissances, l’ennemi passe aussi près que possible afin de pénétrer notre position. Ils préfèrent utiliser ce type d’attaque quand la luminosité faiblit ou dans le noir, ou lorsqu’ils sont couverts par le brouillard ou la fumée…

            Pour reconnaître tel ou tel type d’attaque à temps il faut une ou plusieurs sentinelles avancées.

            Des postes d’observation et d’écoute doivent être établis dans chaque secteur du peloton. »

            « Pour fournir du repos aux unités qui ont été engagées sur la principale ligne de défense, à partir de maintenant et par la suite, un échange de pelotons aura lieu avec la compagnie de réserve afin que les hommes puissent se reposer et retrouver leur efficacité au combat….

            Les éléments de ces pelotons temporairement soulagés devront être réservés aux fonctions de reconnaissance. »

            « Je me suis rendu compte qu’en général, la discipline des troupes sur la ligne peut être décrite comme bonne.

            Cependant, j’ai eu une très mauvaise image de la réserve, et surtout de l’organisation de l’approvisionnement. Il y a de nombreux soldats qui vont au combat sans leur casque, sans arme, sans ceinture et, certains même, sans vareuse //uniforme.

            Cette habitude doit être combattue avec la plus grande vigueur…

            Des patrouilles seront employées par les régiments pour vérifier la discipline du PC des bataillons de l’arrière.

            Je transmettrai aux bataillons toutes les infractions et j’escompte que les délits seront sévèrement punis.

            Les tire-au-flanc, aussi appelés traînards, sont surtout encouragés par le relâchement de la discipline. »

            « Je ne peux pas du tout comprendre pourquoi, même en ce moment, les responsables de compagnies et de pelotons sont encore dans leurs quartiers, et pire, y tiennent même des réunions entre amis.

            Les commandants qui, en dépit de toutes les consignes, les alarmes, et les pertes quotidiennes, n’obéissent pas à ces ordres, ne sont pas à la hauteur de leur mission, et à l’avenir seront punis ou relevés de leur commandement. »

            « Il a été signalé à maintes et maintes reprises que des soldats ont fait feu de tous côtés au hasard afin d’attraper des poulets, ou sans doute pour tester leurs armes. À l’occasion de ces faits, un soldat et plusieurs civils ont été tués au cours des derniers jours. Je tiens à rappeler que l’usage des armes est interdit pour tous les soldats qui ne sont pas en position. »

            « Les comptes exacts sont tenus par nos tireurs d’élite sur les tireurs d’élites américains tués. À vingt-cinq tués certifiés, le tireur d’élite concerné doit être recommandé pour la décoration de la croix de fer de deuxième classe.

            Si le tireur n’atteint pas ce nombre de tués, qu’un jour spécial d’ancienneté lui soit octroyé pour deux tués certifiés, en plus de son ancienneté. »

            Alors que les forces sont manœuvrées et mises en position pour l’assaut final sur Saint Lô, le XIX Corps édite un violent tract de propagande destiné aux Allemands, pour semer le doute dans l’esprit des soldats.

            Le 227th Field Artillery Battalion diffuse ces tracts par obus éclatant sur les lignes ennemies ; l’Air Force l’expédie aussi aux zones de l’arrière. Le petit papier blanc, qui dérive dans les haies allemandes, raille l’ennemi.

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